Co-responsables de l’avenir du monde

Le défi des droits de l’homme n’est-il pas de permettre aux familles et populations les plus pauvres d’être responsables d’elles-mêmes, co-responsables de l’avenir de la communauté nationale et internationale ?

Cet extrait d’une communication du père Joseph Wresinski aux Assises du Volontariat ATD Quart Monde de 1986 a été publié en introduction du rapport moral 1987 du Mouvement International ATD Quart Monde.

 

Les plus pauvres, co-responsables de l’avenir du monde

« Je pense aux familles déracinées de leurs villages, au Sud du Sahara. La grande pauvreté les a poussées à s’en aller sur les sentiers, les « bretelles », les routes goudronnées. Elles campent désormais aux abords des villes, sans moyen de s’y implanter. Elles sont dans l’impossibilité d’exercer leurs responsabilités et leurs droits coutumiers par rapport à leur subsistance par le travail, par rapport à la protection des enfants par un habitat et une éducation traditionnels. Ces familles qui ne peuvent plus se recréer une vie. sociale et communautaire ne sont pas seulement pauvres. Elles sont dans une pauvreté extrême qui les place en dehors de tout programme de développement. Quand l’urbanisation atteint les périphéries où elles ont érigé leurs abris de fortune, elles doivent partir. Car, ne pouvant plus assumer ni responsabilités ni droits, elles sont trop affaiblies pour se saisir des moyens du développement urbain offerts. Elles ne participeront pas non plus aux changements, aux nouveaux bénéfices qui vont en découler. » « Je pense aux hommes, aux femmes, aux jeunes exposés au chômage de longue durée dans les pays industrialisés. Sans qualification ni réserves physiques et sociales notables, ils sont réduits à l’assistance. Leurs familles sont mal logées, elles ne peuvent pas soutenir la scolarité de leurs enfants. Aucun programme de formation professionnelle pour le marché de l’emploi de demain ne les atteint vraiment. Dans les pays industrialisés, les plus pauvres ne peuvent pas non plus exercer leurs responsabilités de parents ni leurs droits de travailleurs ou de citoyens. Eux non plus n’auront aucune place, sauf celle de l’assisté, dans la société de l’informatique et de la communication. » « Je pense aux enfants, aux jeunes en grande pauvreté dans la rue, dans certaines villes d’Amérique Latine. Ils n’ont pas part à une vie de foyer, que celle-ci soit traditionnelle ou en voie de changement. Ils ne reçoivent pas l’éducation à la culture et aux responsabilités futures que donnent normalement la famille, le quartier, le groupe social d’appartenance. » « Ainsi sont dans des situations de pauvreté absolue, de par le monde, des personnes, familles et groupes sociaux qui ne peuvent assumer aucune responsabilité dans la vie et le changement socio-économique, culturel et politique de leur pays. Ceux qui n’y contribuent pas, n’en tirent pas non plus de profit ni de nouveaux droits, à terme. Le progrès socio-économique auquel d’autres participent, ne rompt pas le cercle vicieux qui les tient enfermés. » « C’est bien ici que se situe le défi des Droits de l’Homme. Dans quelles conditions ces familles et populations pourront-elles être responsables d’elles-mêmes, de leurs foyers, co-responsables de l’avenir de la communauté nationale et internationale comme elles le doivent ? » « Elles le pourront, si nous progressons dans la volonté de rassembler -au-delà de tout ce qui peut nous diviser par ailleurs- nos mains, nos cœurs et nos intelligences au service des enfants et familles les plus abandonnés jusqu’ici. Elles le pourront, si nous les considérons comme des personnes et familles de leur temps, qui ont une expérience de cette fin du XXème siècle, qu’elles doivent absolument nous communiquer. Elles le pourront, si nous reconnaissons ainsi qu’elles sont porteuses d’une pensée sur la société d’aujourd’hui et sur leurs contemporains. Elles le pourront, si nous prenons au sérieux leur volonté de bâtir un avenir pour leurs enfants et pour tous les enfants qui vont entrer dans le XXlème siècle. » « Alors, à cette condition-là, elles nous enseigneront un savoir indispensable, leur savoir sur l’universalité et l’indivisibilité des Droits de l’Homme. »

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