Un combat pour la culture

Tous les enfants du monde sont des pauvres puisque les uns et les autres ne possèdent rien du monde où ils sont nés. Leur intelligence, leur volonté, leur sensibilité sont des terres vierges, où pendant quelque temps sont semées les idées, les connaissances, les expériences des grands.

Ceux-ci conscients de leurs responsabilités et de leur rôle d’éveilleur donnent ce qu’ils ont, ce qu’ils sont, se chargent d’ouvrir les petits sur le monde. Ils leur font connaître et partager l’amour, ils leur apprennent à ne plus avoir peur des êtres, à ne plus avoir peur des choses, à ne plus avoir peur de la nuit. Ce sont des médiateurs qui les mettent à égalité avec eux dans l’univers.

Grâce à cet apport, dans les terres vierges de l’enfance, jaillissent des idées nouvelles, des sensations nouvelles. Si les grands savent respecter l’enfouissement des graines qu’ils ont semées et s’ils ne veulent imposer à la récolte ni sa nature, ni sa qualité, ni sa quantité et s’ils ne veulent pas trop précipiter la maturation, des choses extraordinaires jaillissent de tout part.

Mais au départ, tous les enfants du monde sont des pauvres puisque les uns et les autres ne possèdent rien. Parmi ces pauvres, il en existe, qui dès leur berceau, ne rencontrent personne. Personne qui puisse partager avec eux et qui soit leur vis-à-vis parce que chez eux les grands sont plongés dans l’incertitude, l’apeurement, l’incompréhension des évènements et le vide des choses. Alors, ces enfants ne sont pas seulement des pauvres, ce sont des misérables. Des misérables, c’est-à-dire des êtres seuls, sans liens avec le monde et les autres, sans possibilité de recevoir et de demander des explications, sans sécurité, sans pouvoir s’opposer, car même les coups reçus n’émanent pas d’une résistance d’adulte aux exigences d’une personnalité d’enfant : ils sont faiblesse et incohérence d’homme. Oui, l’essence de la misère, c’est de faire que les êtres qui en sont atteints se meuvent dans le vide.

C’est au sein de ce vide des cités sous-prolétariennes et pour le compenser qu’est né le pivot culturel : les travailleurs volontaires du Mouvement voudraient en faire un lieu où l’on provoque les enfants et les grands à chercher, à vouloir, à lutter. J’appellerai ce lieu la « foire aux merveilles ». Les enfants misérables y vivent le partage des grandes aventures, ils s’ébahissent, ils s’émerveillent et découvrent, en même temps que les côtés petits et humbles de la vie, l’amour et l’infini. Le pivot culturel, c’est la grande « foire de l’humanité » mais c’est aussi un endroit où il faut se contraindre, s’obliger au silence, à l’écoute, à la réflexion ; s’exercer à supporter l’autre car sans l’autre, on ne peut connaître : il n’y a de véritable savoir que le savoir partagé !

C’est un endroit où on participe et où on ne peut être un consommateur passif. Au pivot culturel, il faut tout faire soi-même : les grands ne sont pas vos complices, mais en égaux, ils sont vos partenaires.

Cet Igloo retrace l’extraordinaire histoire d’un pivot culturel de la région parisienne, de cette « foire de l’humanité » où les enfants misérables abandonnant le vide qui les entoure et les isole, partent à la conquête de la connaissance du monde et de la rencontre d’autrui. Les pages qui suivent voudraient faire naître chez le lecteur la volonté de venir partager avec les enfants sous-prolétaires le goût de l’aventure, du savoir et de l’amour.

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