Dans cet extrait d’un film tourné en 1962, le père Joseph Wresinski dénonce la manière dont la société intervient dans la vie des plus pauvres, qu’elle écrase par un paternalisme fantastique, en se « collant à eux comme des puces ». Ce qu’il faut donner aux pauvres, c’est une véritable dignité qui laisse son destin entre ses mains, sans faire les choses pour lui, penser pour lui, le remplacer.
Trancription intégrale
Cette accumulation de la société même sur le pauvre, qui devrait être exaltante, qui devrait être guérissante, qui devrait les soulager, bien souvent les écrase. Les écrase par un paternalisme fantastique, ou alors les écrase parce qu’on veut faire semblant, n’est-ce pas, d’être avec les pauvres, de les connaître. Alors on se colle à eux, on est là, je dis souvent comme des puces ! Et alors on ronge le sang du pauvre et le pauvre s’anémie, le pauvre s’écrase…
-Est-ce qu’il y a une façon de les aider sans les écraser ? sans les anémier ?
Eh bien, oui, il y a une façon de les aimer, faut la trouver, et c’est très difficile. Et d’abord avant tout il faut connaître le pauvre. Il faut d’abord savoir qu’est-ce qui est vraiment la pauvreté dans le pauvre. Et ne pas s’arrêter comme la plupart du temps on le fait, n’est-ce pas, s’arrêter à la question logement, aux questions économiques, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas importantes.
Mais, en réalité, ce qu’il faut donner au pauvre c’est une véritable dignité.
Il faut qu’il sente que l’autre qui est devant lui, eh bien, n’attend pas le moment propice où il va pouvoir s’occuper de lui, saisir sa liberté, faire les choses pour lui, penser pour lui… Au fond, au fond le remplacer.
Si on laissait au pauvre son propre destin en main, eh bien déjà, on aurait gagné la moitié, déjà, la moitié de la partie.